Souvenirs de canotage (1859-1861)

 

C‘est un document exceptionnel qui sera présenté le 19 septembre prochain sous le numéro 27 à l’occasion de la vente aux enchères de l’ancienne collection A. Fildier organisée par la maison Ader à Paris. Datant des années 1859-1861, cet album de 172 pages est composé de 676 dessins de dimensions diverses (1), avec sous chacun une légende manuscrite.

Thierry Bodin, l’un des experts de la vente, présente cet album ainsi : « Précieux document, véritable bande dessinée sur les débuts de la mode du canotage sur la Seine et des bains autour de Croissy et à La Grenouillère, et sur les paysages des bords de Seine quelques années avant l’arrivée des Impressionnistes. Les deux auteurs de cet album sont un certain Verdier, le principal rédacteur, (…), et son ami Oscar Duflot, (…). Ce sont les deux héros de ces souvenirs de canotage autour de Croissy (Yvelines), de joyeux drilles, qui aiment les plaisanteries, comme en témoignent les légendes des dessins, souvent émaillées de citations littéraires, de références théâtrales ou opératiques. »

 





 

« Leur canot se nomme Le Rouge et le Noir (ils portent une casquette rouge et noire, chemise rouge et veste noire), mais ils utilisent d’autres canots : le Bul Bul (ou Bull Bull), le Kankan et le Petit Poucet. Leur quartier général, pour la table et le coucher, est chez Seurin-Trumeau, À l’Île de Croissy, “pêcheur, marchand de vins, restaurant, chambres meublées, matelottes & fritures, batelier passager”, dont 4 factures sont collées dans l’album.

Se joignent à nos deux héros de nombreux amis et dames (parfois désignés par leur prénom : Francisque, Albert, Pauline, etc., des surnoms ou des initiales, comme Mme C.G.), parmi lesquels Nivière, Carcano, les Kelp (de Rueil), Laurenceau (ou Laurençot), Fessard, Pussey, Martini, Mme Mally, Mme Blanc, les journalistes Paul Dollingen, Devernay et Charles Yriarte, Fadard(t), Gustave Leroux, de Perceley, Gancel, Minaux, Henry Herbin, Henry Turpin, Argy, etc.

L’album s’ouvre sur la fin de la partie du Dimanche 23 octobre 1859 (2 dessins), puis les parties du 30 octobre (40e) et du 6 novembre (41e). Suivent les 26 parties de 1860, du 6 mai au 28 octobre. Après des « Souvenirs de Croissy » (1858-1860), vient l’Année 1861, du 21 avril (1re partie) à la 13e partie du 29 septembre 1861, qui termine l’album. »

 






 

« Outre les épisodes détaillés et les diverses péripéties des parties de canotage, les baignades, les parties de pêche, les réunions amicales, les galanteries avec les dames, les promenades, les repas, les boissons, les jeux (billard, quilles, ballon…), les danses et parties de musique, les acrobaties et démonstrations de gymnastique, nos auteurs ont représenté sur leurs aquarelles et dessins des lieux et des personnalités qui font de cet album un intéressant témoignage. »

Pour plus de détails sur cet album, on se reportera à la notice du catalogue qui donne notamment la retranscription des légendes des premières pages ; elle indique également l’estimation de cet album : 10 à 15 000 euros.

Enfin, nous insisterons sur la singularité de cet album qui n’était pas destiné à être publié et donc porté à la connaissance du public. Sa consultation ne dépassait pas le cercle des auteurs et de leurs proches.

On connaît quelques précédents datant approximativement de la même période. Mais ceux-ci ne nous sont parvenus aujourd’hui que grâce à la renommée de leurs auteurs qui se sont distingués dans d’autres arts. Ainsi, Alfred de Musset réalisa vers 1840 une « bande dessinée autobiographique » qui relate « avec humour le souvenir cuisant d’une défaite : comment le poète Alfred de Musset (trente ans) en dépit de son charme, de sa célébrité et de ses dons, n’a pas réussi à séduire ni à épouser la jeune (dix-neuf ans) et talentueuse cantatrice Pauline Garcia » (2).

L’album des canotiers prouve qu’un autre usage de la bande dessinée était alors envisageable. Ces souvenirs sont dessinés et retranscrits pour le simple plaisir de garder une trace de ces moments passés entre amis. Hors la publication et les contraintes commerciales auxquelles elles sont à l’époque soumises et dépendantes, les histoires en images peuvent donc se déployer au-delà, et participent, déjà, de l’« érosion progressive des frontières » prônée par la revue L’Éprouvette.



 

Avant de repartir dans une autre collection, cet album sera visible à la salle des ventes Favart (3, rue Favart – 75002 Paris) mardi 18 septembre de 10 h à 18 h et mercredi 19 septembre de 10 h à 12 h.

  1. Ces 676 dessins sont composés de 555 aquarelles, 41 lavis, 65 dessins à la plume et 15 au crayon []
  2. Mireille Dottin-Orsini, « Alfred de Musset, auteur de bande dessinée », Neuvième Art, n° 11, octobre 2004. Les dix-sept planches du Mariage de Pauline Garcia avec Louis Viardot sont consultables dans leur totalité à l’adresse suivante : http://www.culture.fr/recherche/?typeSearch=collection&SearchableText=Viardot+pauline+mariage&portal_type=CLT_Site_Note#categorie_2 []
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4 Comments

  1. says: Camille F.

    Les images (et les couleurs) sont magnifiques, merci beaucoup Antoine pour cet article !!!! En revanche, pour lire l’intégralité des légendes il faut investir, si j’ai bien compris… 😉

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