Les habits neufs du « Maestro »

caran-dache-maestro-158Caran d’Ache, Planche numérotée 158 du Maestro, c. 1894. Encre sur calque. Collection particulière.

 

Un nouveau morceau du puzzle Maestro vient de resurgir. Proposée lors d’une récente vente aux enchères à Bruxelles, le dessin à l’encre sur papier calque reproduit ci-dessus est l’une des pages éparpillées du « roman dessiné » inachevé de Caran d’Ache, que nous avons déjà évoqué ici à plusieurs reprises (1).

Cette page numérotée 158 vient s’insérer entre les pages 82 et 83 de la version du Maestro éditée par le Cnbdi en 1999. Elle représente un tailleur habillant de neuf le futur domestique du jeune musicien prodige, que l’on peut apercevoir à droite des deux hommes. Ces trois personnages se regardent dans un grand miroir sur pied, sous la surveillance du roi, au fond. L’épisode se situe à la fin du chapitre III, après que l’enfant ait sauvé le vieil homme de la mort. Accueilli au château, et désormais habillé d’un costume à carreaux, il servira avec bienveillance le musicien pendant ses longues années au château, et l’aidera à s’enfuir de cette prison dorée.

On remarquera comment Caran d’Ache, contraint au silence des mots (Maestro ne comportait aucune légende), suggère le métier du tailleur par quelques détails vestimentaires : la paire de ciseaux brodée sur sa manche, le mètre de couture qui dépasse de sa poche, et les petites lunettes indispensables aux artisans de précision. En comparaison, le vieux domestique semble raide et engoncé dans un costume sans fantaisie et trop grand (il faudra le retoucher) qui ressemble à un uniforme de prisonnier… Il n’est pas moins heureux de son nouveau sort.


Un piano-match avec Paderewski

Autre pièce à rajouter au dossier Maestro, l’histoire en image ci-dessous publiée dans le supplément illustré du Journal daté du 28 janvier 1894, soit six mois avant que Caran d’Ache ne propose son projet de « roman dessiné » au Figaro. « Le grand match de mille heures » retrace un duel entre deux pianistes marathoniens, devant un jury composé de quatre témoins. La compétition s’éternise sans que les deux concurrents ne puissent se départager. Les jurés, par contre, ont succombé l’un après l’autre à cette interminable épreuve et finissent tous à l’asile de fous…


caran-dache-garnd-match1894Caran d’Ache, « Le grand match de mille heures », supplément illustré du Journal du 28 janvier 1894. Source : Gallica.bnf.fr

Deux éléments rattachent cette histoire au Maestro : tout d’abord, on retrouve une scène de piano-match similaire dans des dessins préparatoires de ce roman dessiné ; ensuite, dans la dernière vignette, les deux pianistes concurrents rendent visite aux jurés à l’asile de Charenton. L’un de ces visiteurs, tenant un paquet de tabac, semble être Paderewski, le célèbre pianiste qui déclenchait les passions à l’époque, et qui servit très probablement de modèle à Caran d’Ache pour imaginer son musicien prodige.

 

Histoires supplémentaires

Dans ce même supplément illustré du Journal, intitulé « Les Clous de l’année » et entièrement dessiné par Caran d’Ache, figurent deux autres histoires en images, qui n’ont rien à voir avec Maestro, mais que nous ne pouvons résister de partager…

  caran-dache-journal-18940128Caran d’Ache, « Le moribond de Bournemouth » et « Essai de végétarisme », supplément illustré du Journal du 28 janvier 1894.
Source : Gallica.bnf.fr

  1. Nous remercions son nouveau propriétaire de nous avoir fourni une reproduction de ce dessin. []
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2 Comments

  1. says: Topfferiana

    Effectivement ! On m’avait déjà fait la remarque à propos de l’identification du personnage de cette dernière histoire, que les membres du Chat noir appelaient « Notre oncle Sarcey ».

    Caran d’Ache l’a d’ailleurs plusieurs fois dessiné. Voir les planches suivantes :
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k76237490/f3
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7621131m/f3
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k284592t/f3.image

    Après quelques recherches, cette histoire intitulée « Essai de Végétarisme » renvoie à une affaire de justice qui se tint devant le tribunal quelques semaines auparavant : Un livreur, qui était entré dans la cour de la maison de campagne de Sarcey sans prévenir pour récupérer des tonneaux, demandait réparations pour avoir été mordu par le chien de la maison (Voir la « Chronique des tribunaux » dans « Le Journal » du 2 décembre 1893 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7621474d/f2.zoom.r=sarcey.langFR). Caran d’Ache tourne l’anecdote au rire en expliquant l’attaque du chien : l’animal était affamé par le régime végétarien imposé par Sarcey qui le suivait lui-même à l’époque.

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