Hermann-Paul et les histoires en images

.Töpfferiana publie un texte de Pierre-Edouard Noyelle, collectionneur et amateur des grands dessinateurs de presse de la période 1881-1914.

Jouissant en son temps d’un renom égal à celui de Caran d’Ache, Forain, Steinlen ou Willette, Hermann-Paul est l’un des grands dessinateurs français de presse et satiriste de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Quelque peu oublié, il reste aujourd’hui à redécouvrir d’autant qu’il pratiqua à sa manière le récit en images. Les sources bibliographiques étant rares à son sujet, on rappellera les grandes lignes de sa biographie, de ses engagements et de son œuvre.

La vie de Hermann-Paul (1864-1940)

Portrait d’Hermann-Paul par Leandre, Le Rire, 1897

Hermann-Paul, à l’état civil René Georges Hermann Paul, est né le 27 décembre 1864 à Paris, 128 rue du Bac. Il est le fils unique de Constantin Paul, docteur en médecine, et de Marie Thérèse Pidoux. Les Paul seraient d’ascendance italienne et provençale, établis dans le Midi de la France depuis le XVe siècle et venant de Florence. Hermann-Paul s’inscrira dans cette lignée par son fort tropisme pour le sud de la France, le pays basque d’abord, la Camargue ensuite.

À la différence de ses grands contemporains humoristes cités plus haut, d’ailleurs plus âgés, il n’a jamais fait partie du milieu Montmartrois.

On sait peu de choses de sa jeunesse et de sa formation. Il aurait fait de vagues études scientifiques non abouties, puis suivi des cours de l’École des Arts décoratifs ; il fait également son service militaire. Entre 1887 et 1890 il fréquente l’Académie Julian, où il rencontre les artistes qui constitueront le groupe des néo-impressionnistes et celui des « Nabis » dont il fera partie. Il a reçu les conseils des peintres Henri Lerolle et Gustave Colin, dont il épouse en 1890 la fille Henriette. Ils auront trois enfants, Adrien, François et Irène. Il se sépare de sa femme vers 1903 ; le divorce sera prononcé en 1910. Il entretiendra une liaison avec Pauline Ménard-Dorian (divorcée de Georges Hugo, mère de Jean Hugo), qu’il épouse en 1911. Hermann-Paul décède aux Saintes-Maries-de-la-Mer le 23 juin 1940.

À partir de 1890, il est un artiste reconnu qui fait alors partie de l’avant-garde. Jusqu’à la guerre de 1914, son œuvre de caricaturiste s’articule principalement autour de trois thématiques : d’une part, une critique ironique et brutale des mœurs de la société, de ses médiocrités, de ses hypocrisies et ses ridicules, sa muflerie, ses tares et ses laideurs, d’autre part, une critique politique virulente, notamment de l’armée, de la justice et de la religion, s’inscrivant dans une sympathie forte pour les causes libertaires qu’il partage avec beaucoup de ses amis et confrères : Steinlen, Luce, Signac, etc. Il sera également un militant dreyfusard. On peut distinguer trois périodes dans sa vie artistique.

 

1890-1900

Ses premières lithographies sont publiées dès 1890 dans L’Estampe originale (journal repris en 1893 par André Marty), aux côtés de Toulouse-Lautrec et Bonnard. Parallèlement, il publie quatre recueils de lithographies : La Vie de Monsieur Quelconque (1894), La Vie de Madame Quelconque (1895), Images pour les demoiselles (1896), L’Alphabet pour les grands enfants (1898), qui s’inscrivent majoritairement dans la veine ironiste.

Ses premiers dessins de presse sont publiés en 1892 dans le journal illustré La Faridondaine (31 numéros entre décembre 1892 et mars 1893) et attirent l’attention : « Dans le premier numéro un dessin signé Hermann-Paul, un caricaturiste dont on parlera » (Le Figaro, 27 novembre 1892). Ensuite ses dessins seront publiés en 1893-1894 dans L’Escarmouche, journal pamphlétaire et satirique dirigé par Georges Darien. Cette collaboration marque le début de son engagement dans les causes libertaires, qui perdurera au moins jusqu’à la guerre de 1914-1918. Autres témoignages de son implication politique, ses contributions à La Feuille de Zo d’Axa (1897-1899), aux Almanachs du Père Peinard (1897) et aux publications des Temps Nouveaux de Jean Grave. Hermann-Paul donnera aussi des dessins engagés dans des journaux « généralistes », comme Le Cri de Paris et Le Figaro.

 

Hermann-Paul, dessins originaux réalisés pour L’Alphabet pour les grands enfants, 1898.  À gauche : « Mufles », à droite : « Vertus ». Source : Collection de l’auteur.

 

En mars 1894, un premier dessin parait dans Le Courrier Français. Il y collaborera jusqu’en mai 1898 (228 dessins recensés), aux côtés de son ami Félix Vallotton  (1). Il s’agit de dessins de mœurs, où Hermann-Paul brocarde ses contemporains, notamment la bourgeoisie, avec ironie, âpreté, voire rosserie. Dans le domaine de la presse satirique, il collabore à partir de novembre 1894 au Rire, auquel il donne 42 dessins jusqu’en octobre 1899 (ainsi qu’un numéro complet de 24 pages consacré au voyage de Félix Faure en Russie en 1897), et à Cocorico (de 1898 à 1902).

 


Hermann-Paul, dessins extraits du Courrier français, 1894-1898. Source : Gallica.bnf.fr

 

En juillet 1895 parait le premier numéro du Fond de bain, un étonnant journal qu’Hermann-Paul publie à Guéthary (où il a une maison, Salto-Baïta) entre le 31 juillet el le 1er octobre jusqu’en 1898 et dont il assure la totalité du contenu (texte et illustration) des 11 premiers numéros. En 1896, il publie également une demi-douzaine de dessins dans Le Journal.

En janvier 1897, sa première planche est publiée dans le Cri de Paris, hebdomadaire cousin de La Revue Blanche. Il y donne entre 1897 et 1904 plus de 250 planches. Parmi elles, celles consacrées à l’affaire Dreyfus sont particulièrement remarquables : elles témoignent d’un dreyfusisme militant, comme les dessins qu’il donnera au Sifflet (1898) et au Figaro (142 entre janvier 1899 et octobre 1901, dont les célèbres dessins d’audience du procès de Rennes). Son engagement est aussi marquant dans ses planches se rapportant à la situation internationale (campagne de Chine, colonialisme, etc.) où il ne cède rien à Steinlen. Nombre des planches du Cri de Paris seront publiées en album : Guignols (1898) et 200 dessins (1899). Il publie aussi des dessins dans Le Journal, Le Petit Bleu de Paris, La Volonté, Le Temps, La Dépêche, etc. On peut aussi noter son intérêt pour le sport, notamment l’escrime (dessins et affiche pour L’Escrime Française) et le cyclisme (dessins pour Le Vélo-Sport).

 


A gauche : Dessin original pour « Expédition de Chine », paru dans Le Cri de Paris n° 193 du 7 octobre 1900 ;
A droite : Dessin original pour le procès de Rennes, paru dans Le Cri de Paris n° 132 du 6 août 1899.

 

Il commence l’illustration de livre avec Au Pays du Mufle de Laurent Tailhade, commencée à l’été 1892 (l’ouvrage parait en 1894). Mais sa production en la matière sera très limitée jusqu’au la fin du siècle.

Tout au long de sa carrière, Hermann-Paul participe à de nombreux salons et expositions, collectives ou particulières. En 1891, il fait partie du Comité d’organisation du salon des « Refusés », initié et présidé par Louis Anquetin, qui se tiendra au palais des Arts Libéraux du 29 mai au 30 juin. Associé jusqu’à le fin du siècle aux néo-impressionnisme et aux Nabis, il participe au Salon des Indépendants (entre 1892 et 1894), au Salon de la Libre Esthétique à Bruxelles ( 1894,1895, 1897, 1901) ou encore au Salon de l’Art Nouveau de Samuel Bing (décembre 1895- janvier 1896).

 

1900- 1914

Hermann-Paul qui, outre ses lithographies et dessins, exposait déjà des pastels, aquarelles et crayons de couleurs, se concentre sur sa peinture. Il réalise de nombreux portraits et son œuvre la plus remarquée est un grand portrait de Cézanne, exposé au Salon des Indépendants de 1905 (aujourd’hui conservé au musée Calvet d’Aix-en-Provence), dont le caractère quasi-caricatural sera très discuté. En 1913, il publie un recueil de dessins Sur le Rhône, de Lyon à Saint Louis, premier témoignage de l’importance que le Midi, ses paysages et ses habitants, plus particulièrement la Camargue, prendront dans son œuvre.

Dans le domaine du dessin de presse, il donne sa contribution la plus notable à L’Assiette au Beurre : il participe à 30 numéros, dont 14 sont entièrement de sa main. On notera également ses dessins dans Le Canard sauvage (31 planches en 1903) et dans la presse « engagée », comme Les Temps nouveaux (Album La Mano Negra de 1903, etc.), ou progressiste (contribution au journal pour la jeunesse Jean-Pierre entre 1902 et 1904). Il fonde avec Franc-Nohain un petit journal illustré, L’Officiel, dont les dessins seront repris dans un ouvrage L’honorable Conque, Député (1902).

 


Hermann-Paul dans L’Assiette au beurre  : « Les faiseuses d’anges », n° 315, 13 avril 1907 ; « Le joies de la rue », n° 231, 2 septembre 1905 ; « La Guerre », n° 14, 4 juillet 1901. Source : Gallica.bnf.fr

 

Dans le domaine du livre illustré, sa production prend de l’ampleur. Il illustre notamment La Colonne de Lucien Descaves (1902, 150 croquis), Années d’aventures d’Alfred Capus (1903), Les Mémoires d’un jeune homme rangé et Un mari pacifique de Tristan Bernard (1904), L’abbé Jules d’Octave Mirbeau et Les transatlantiques d’Abel Hermant (1904). Mais surtout, il publie en 1904 Le Veau gras, roman en images sur lequel on reviendra.

Il continue à exposer, notamment au Salon d’Automne, auquel il participera sans interruption de 1904 à 1930. Il entreprend avec succès une carrière de décorateur de théâtre.

 

1914-1940

La guerre heurte les engagements pacifistes de Hermann-Paul. Il résiste quelques temps puis bascule dans le patriotisme, comme son ami Steinlen. Comme celui-ci, il fait partie de missions d’artistes sur le front dont il ramène des dessins. Ces œuvres « de guerre » sont publiées notamment sous la forme de recueils d’estampes utilisant la technique du bois de fil, nouvelle pour lui. Ses « bois » connaitront un grand succès et il deviendra après la guerre un grand maitre de cette technique. Dans le domaine du dessin de presse, sa principale contribution (plus de 400 dessins) est publiée dans La Guerre sociale, hebdomadaire dirigé par Gustave Hervé devenu en 1916 La Victoire, qui suit à ce moment une évolution politique similaire. Cela lui vaut des commentaires acides de certains de ses anciens amis. Il contribue également à La Baïonnette.

Après la guerre, Hermann-Paul devient un des grands illustrateurs de livres, profitant du développement de la bibliophilie pendant les années 1920. Sa production très importante, notamment de « bois », est la partie de son œuvre la plus reconnue aujourd’hui. Elle a des rapports limités avec la caricature et on notera seulement seulement la place qu’y occupe la Camargue, alors que Hermann-Paul devient un acteur important de la renaissance de la culture camarguaise, aux côtés du manadier Folco de Baroncelli et du poète provençal Joseph d’Arbeau.

Fort de son succès comme illustrateur, Hermann-Paul reste pendant la période 1920-1940 un dessinateur de presse notable, bien qu’il fasse partie d’une génération dont le succès s’est largement éteint. Il collabore à la presse de droite (ce qui lui vaudra de figurer dans l’Annuaire des Girouettes de Galtier-Boissière), notamment à Candide  (2), puis, proche des Croix de feu, au premier Je suis partout, auquel il donnera plus de 500 dessins jusqu’à sa mort.

 


Hermann-Paul, « Fables » parues dans Candide en 1925-1926. Source : Gallica.bnf.fr

 

Son atelier a été dispersé aux enchères à Chartres le 23 octobre 2000. Le catalogue proposait 346 lots regroupant plus de 1000 huiles, pastels, aquarelles, crayons de couleur, dessins, estampes, livres, etc.

 

Les récits en images d’Herman Paul

À ses débuts, Hermann-Paul conçut certaines séries d’estampes comme des histoire en images. Cependant, elles ne prennent pas la forme de celles alors en vogue dans les revues illustrées et popularisée par Caran d’Ache, Steinlen ou Willette et que l’on trouve à l’époque dans les revues Le Chat noir, Le Rire ou La Caricature. Ces ancêtres de la bande dessinée proposent une courte séquence humoristique de plusieurs images sur une même feuille, avec ou sans légendes. Les histoires de Hermann-Paul, elles, ne progressent qu’au rythme d’une image par page. Elles s’inscrivent davantage dans une veine satirique et sont destinées à un public adulte. Elles rappellent les Progress de l’anglais William Hogarth, mais aussi certains récits en une image par page comme la série La Journée du célibataire d’Honoré Daumier publiée dans Le Charivari en 1839, les albums Aventures du Vicomte de la Linotière par Archélaüs Niger (1839), Fiasque, mêlé d’allégories par Alcide Joseph Lorentz (1841) ou encore The Progress Of Mr. Lambkin (1844) de George Cruikshank  (3).

Ainsi, en 1894, Hermann-Paul propose deux séries titrées avec ironie « Les Grands spectacles de la nature ». Le premier s’intéresse à La Vie de Monsieur Quelconque, le second offre son pendant, La Vie de Madame Quelconque. Les dix « tableaux lithographiés » que réunissent chacun ces deux recueils sont placés sous une couverture calligraphiée par le dessinateur, qui énonce le titre de chaque feuille (qui n’est pas repris sous les gravures). Leurs tirages furent confidentiels : le premier fut tiré à 100 exemplaires et le second à 150  (4). Ces deux albums, dont le style des planches est proche notamment de celles publiées dans Le Courrier Français, s’inscrivent dans la critique ironique faite par Hermann-Paul des mœurs de la société bourgeoise. De façon chronologique, ces planches retracent les étapes importantes et significatives de la vie de cet homme et de cette femme, incarnations d’une certaine classe sociale que le dessinateur dépeint sans concession.

 

La Vie de Monsieur Quelconque (« Les grands spectacles de la nature – 1ère série »), 1894

 

 

La Vie de Madame Quelconque (« Les grands spectacles de la nature – 2éme série »), 1894

 

 

À propos du style de Hermann-Paul, Henry Bauër écrit en 1898 : « Caractéristique du talent d’Hermann-Paul, il a le sens du laid, c’est-à-dire de la décomposition du joli, forme habituelle de la laideur ; il sait découvrir et fixer les traits réels des personnages comme il dégage le sens des figures de la couche d’hypocrisie, de pharisaïsme et fait voir les tares de l’âme. Son crayon puissant est vengeur et évocateur qui stigmatise toutes les vilénies dans la révolte d’un idéal de beauté ; son esprit contempteur des peuples et des maîtres, du Mufle civil et militaire, des préjugés et respects sociaux, se trempe dans la conscience, la volonté personnelle. Vous sentirez et comprendrez le grand et libre artiste (…) à ce dessin d’une âpre ironie, aux morsures du trait sur les faces protéiformes de l’immonde mensonge  (5). »

Cette analyse du talent de Hermann-Paul, où l’on retrouve toutes ses clefs (laideur – en fait expressionisme – mise en évidence de l’hypocrisie, de la muflerie, des préjugés, du nationalisme, etc.) est applicable à tous ses albums et à la plupart de ses dessins de presse de ses débuts. En revanche, le « crayon puissant » deviendra assez vite plus tempéré – peut-être sous le poids de la routine et du succès – et perdra l’attrait de la nouveauté sans se renouveler nettement, au moins jusqu’aux « bois » du XXe siècle. En témoignent les planches pour Le Cri de Paris et l’album Les amours de Jules (reprises du Rire) si on les compare aux premiers albums. Mais, sur le fond, la force, voire la violence des dessins ne diminueront pas, c’est le moins que l’on puisse dire, comme on le voit dans les dessins de L’Assiette au Beurre).

 

Un Roman (L’Assiette au Beurre, 1904)

Sur ses 31 contributions à l’Assiette au Beurre, entre le n° 1 du 4 avril 1901 et le n° 510 du 7 janvier 1911, Hermann-Paul a entièrement dessiné 13 numéros. Parmi ceux-ci, Un Roman (n°154 du 12 mars 1904) se présente comme une histoire en images. Chacune des 14 planches est un portrait peu flatteur de personnages faisant partie de l’histoire d’une famille, les Nedbois, soulignant la médiocrité, voire la laideur de chacun (6). Chaque légende est composée d’une simple phrase, certainement de Hermann-Paul dans le style de Tristan Bernard, dont le dessinateur a illustré deux ouvrages la même année.

 

 

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Par leur ton et leur répétition, les légendes ramassées sont un élément de la charge indissociable des dessins, qui sans elles perdraient l’essentiel de leur force. En effet, le dessin de Hermann-Paul a perdu de sa force intrinsèque entre 1898 et 1904. L’effet en est atténué lorsque le sujet représenté est une violence (cf. par exemple La guerre, n° 14 du 4 juillet 1901). En revanche, il est amplifié lorsque le sujet représenté est banal, comme ici un portrait.

Hermann-Paul avait dans ses cartons une histoire en images proche de celle d’Un Roman, mais qui ne fut semble-t-il jamais publiée : Histoire de la famille d’Empeigne aurait peut être constitué une suite à Un Roman  (7). Elle est composée d’une série de 15 portraits au crayon. Chacun représente un membre de la famille depuis 1790, avec son curriculum vitae. L’avant dernier portrait de « Juste-Narcisse Marteau Maxillaire, juge au tribunal de Mayenne, d’après son portrait par Carrière », et le dernier, celui de « Marcel-Sulpice-Guillaume Marteau-Maxillaire d’Empeigne de Charançon-Lapierre, né en 1906, d’après une peinture de Maurice Denis », constituent le lien avec Un Roman.

 

Le Veau gras, juin 1904

La même année qu’Un Roman, Hermann-Paul publie chez Charpentier et Fasquelle Le Veau gras, un « roman dessiné » (comme indiqué en couverture) de 87 planches en noir, dont 22 doubles (8)

La principe du Veau gras est exactement le même que celui d’Un roman, en plus développé. On y retrouve d’ailleurs le personnage de Madame Garniture. Un Roman, bien que paru en mars 1904, est probablement une réduction de la formule du Veau Gras. En effet 23 des 25 premiers dessins du Veau gras, avec leur légende, ont été publiés dans le quotidien L’Écho de Paris entre le 9 mars et le 21 mars 1904, et certains originaux sont datés d’octobre 1903  (9).

 

 

 

 

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Comme pour Un roman, les dessins retracent l’histoire d’une famille et proposent un portrait peu flatteur de personnages, ou de scènes familiale. Les légendes, dans le même style, sont tout aussi ramassées. Les dessins alternent portraits et saynètes, tous traités sur un mode ironique qui souligne la médiocrité des personnages et des situations. On peut faire le même commentaire que pour Un Roman sur l’interaction entre texte et dessin pour assurer l’efficacité de la charge, tout en notant que celle-ci se trouve un peu diluée par la longueur du roman.

L’ouvrage est bien accueilli par la presse : Le Journal note un ouvrage « d’une ironie violente et d’un charme savoureux » (Le Journal, 7 juin 1904) ; Le Temps signale une œuvre « d’une ironie puissante, d’un comique violent, d’une exécution qui fait le plus grand honneur au maître artiste qui est son auteur » (Le Temps, 8 juin 1904) ; Le Figaro évoque : « Hermann-Paul dont le crayon sait exprimer toutes les nuances de la psychologie la plus aigüe et la plus savoureuse » (Ph. Emmanuel Glaser, Le Figaro, 10 juin 1904).

Ainsi, de 1894 à 1904 Hermann-Paul pratiqua une forme originale de récit en images, qui n’est pas sans rappeler la forme et l’ampleur de Maestro, le projet de « roman dessiné » de Caran d’Ache, conçu à la même époque que les Vies de M. et Mme Quelconque, mais qui ne verra jamais le jour    (10). Hermann-Paul mériterait de trouver sa place dans l’histoire de la littérature dessinée, et plus généralement,  d’être redécouvert comme l’ont été ces dernières années, notamment par des publications et des expositions, ses contemporains Cappiello, Forain, Grandjouan, Grûn, Iribe, Jossot, Léandre, Jean Veber et Willette.

 

 

Bibliographie sommaire

 – La vie de Monsieur Quelconque, Un Roman et Le Veau Gras sont consultables sur Gallica. La vie de Madame Quelconque a été numérisées par le site du Van Gogh Museum.

 – Les journaux Le Courrier Français, Le Rire, L’Assiette au Beurre et Le Canard Sauvage sont disponibles sur Gallica, tout comme trois albums de défets appartenant à la collections Jaquet consacrés à Hermann-Paul.

 – Jean Bernac, « Hermann-Paul », La Revue Illustrée, 15 décembre 1896, p. 273-277.

 – Adolphe Brisson, « Hermann-Paul », Nos Humoristes, Société d’édition artistique, Paris, s.d. (1900), p. 46-76.

 – L’Album, Les Maitres de la caricature, n° XII, « Hermann-Paul », Librairie illustrée Taillandier, Paris, 1902.

 – Les Maitres Humoristes, volume IX, « Hermann-Paul », Félix Juven, Paris, 1907.

 – Gustave Coquiot, « Hermann-Paul », Cubistes, Futuristes, Passéistes, Ollendorf, Paris,1914, p. 112-115.

 – Raymond Geiger, « Hermann Paul, ou l’artiste déplaisant », Arts et métiers graphiques, n° 13, 15 septembre 1929, p. 765 et s.

 – Hermann-Paul Peintre graveur 1864-1940, Mathieu Varille, Le Bois gravé lyonnais, Lyon, 1941.

 – Trois de la Camargue, Mathieu Varille, Lyon, Audin et Cie, 1954.

 – Lettres, documents et Journal de Félix Vallotton, Bibliothèque des arts, Lausanne, 1973-1975.

 – Jean Hugo, Le regard de la mémoire, Actes Sud, Arles, 1983

 – Marcus Osterwalder, Dictionnaire des illustrateurs, vol.1, Ides et Calendes, Neuchâtel, 1989.

 – « Hermann-Paul », Inventaire du Fonds français (IFF), tome X, Bibliothèque Nationale de France, Paris, 1958, p. 299 et s.

 

 

  1. Hermann-Paul a fait d’ailleurs son portrait et leurs dessins ont des traits communs.[]
  2. 94 dessins d’Hermann Paul, en très grande majorité des caricatures de moeurs, furent publiés dans Candide entre le 30 octobre 1924 et le 10 janvier 1929.[]
  3. À la même époque des récits d’Hermann-Paul, l’américain Charles Dana Gibson (1867-1944) publia également un récit composé d’une seule image par page : The Education of Mr. Pipp , chez R.H. Russell en 1899.[]
  4. Pour les deux recueils, les feuilles sont numérotées de 1 à 10, mesurent 42 par 32 cm et furent imprimées sur Chine. Le premier recueil est annoncé comme est épuisé en 1900.[]
  5. Préface de l’album d’Hermann-Paul, Alphabet pour les grands enfants, Simonis Empis, 1898.[]
  6. Une grande partie des dessins originaux, au crayon noir, d’Un Roman de Hermann-Paul ont été vendus récemment à Paris (vente Ader Nordmann, Hôtel Drouot, Paris, 14 septembre 2018.[]
  7. Les dessins de ce projet furent vendus sous le n° 244 de la vente aux enchères de son atelier à Chartres le 23 octobre 2000.[]
  8. Le veau gras, Charpentier et Fasquelle, 1904, Couverture illustrée en couleur, 20 par 13 cm. Le tirage de tête est 50 exemplaires sur chine, numérotés, réservés au libraire L. Carteret.[]
  9. 38 dessins originaux du Veau Gras, mis en couleur, datés pour certains « octobre 1903 » ou « 9 janvier 1904 », figuraient dans la vente de son atelier du 23 octobre 2000 (n° 237).[]
  10. L’expression « roman dessiné » qui figure en 1904 sur la couverture du Veau gras d’Hermann-Paul est la même que Caran d’Ache utilise pour désigner son projet Maestro.[]
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2 Comments

  1. À propos du Veau gras, Hermann Paul s’est-il souvenu du « Veau d’or » de Heinrich Heine in le Romancero en 1844, du Veau d’or de Frédéric Soulié, roman resté inachevé à la mort de l’écrivain en 1847, terminé par Léo Lespès en 1856 ? Kuno Fischer, dans Ũber den Witz, pp. 130-131. In Kleine Schriften 2, Zweite durchgesehene Auflage, Carl Winters Universitätbuchhandlung. Heidelberg. 1889, rapporte au sujet du veau en question l’anecdote suivante : « Heine se trouvait un soir dans un salon parisien avec le poète Soulié et qu’il s’entretenait avec lui, lorsqu’un de ces rois parisiens de l’or, qui ne pâtissent pas, en la matière, de la comparaison avec Midas, entre dans la salle et se trouve bientôt entouré d’une foule qui lui témoigne les plus grandes marques de respect. – Voyez donc là, dit Soulié à Heine, comme le dix-neuvième siècle adore le veau d’or ! Jetant un coup d’œil à l’homme qui faisait l’objet d’une telle considération, Heine rétorqua ceci : – Oh, [pour un veau], celui-là me semble un peu passé d’âge ! ». Jacques Lacan, in « Les Formations de l’Inconscient » – séance du 4-27 novembre 1957, nous a laissé du Witz en question le commentaire le plus célèbre.

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