Les histoires en images d’André Hellé

Reconnu aujourd’hui comme un auteur et un illustrateur de livres pour enfants, André Hellé (1871-1945) pratiqua également la bande dessinée. Ses histoires en images se retrouvent dans la presse, parmi les milliers de dessins, illustrations, et autres caricatures qu’il y donna tout au long de sa carrière. Il aurait ainsi collaboré à plus de quatre-vingt journaux, depuis ses tout débuts, à la fin du XIXe siècle, jusqu’aux années 1930  (1).

Éparpillées dans une presse illustrée qui restent encore aujourd’hui délaissée par les historiens du neuvième art, sa contribution au genre reste à redécouvrir. Nous proposons ici une sélection d’œuvres du dessinateur.

Parmi ses toutes premières contributions dans la presse, Hellé donne en 1897 plusieurs histoires en images à La Caricature dirigée par Albert Robida.

 


Hellé, « L’Amour vanné », La Caricature, n° 906, 8 mai 1897. Source : Gallica.bnf.fr

 

Le Petit Journal illustré de la Jeunesse, supplément du quotidien Le Petit Journal, accueille régulièrement ses bandes dessinées à partir de 1905. La revue pour enfants, l’une des plus belles de ce début de XXe siècle, laisse une grande liberté à ses dessinateurs. Le style de Hellé y est déjà plus affirmé : forme simple cerné d’un trait net, inspiré par Caran d’Ache dont il est un admirateur, absence d’ombres, expressions de visage réduites au minimum, aplat de couleurs…. Le dessinateur Hellé y déploie une grande inventivité. À côté de ses histoires avec des personnages semblables à des jouets de bois, il change de style selon son envie et tente plusieurs styles graphiques et effets ornementaux. 

 


Hellé, « M. Tommy n’a pas de chance », Le Petit Journal illustré de la Jeunesse, n° 234, 4 avril 1909. Source : Töpfferina.fr

 

Ci-dessous, avec ses personnages minimalistes et ses images toutes en longueur, « Une sombre histoire » publiée en 1905 rappelle la fameuse couverture « À la houzarde ! » de Caran d’Ache, parue dans Le Rire, vingt ans auparavant, le 2 novembre 1895.

 


Hellé, « Une sombre histoire ! », Le Petit Journal illustré de la Jeunesse, n° 40, 16 juillet 1905. Source : Töpfferiana.fr

 

 


Hellé, « Le naufrage de l’Intrépide-coque-de-noix », Le Petit Journal de la Jeunesse, 15 juillet 1906. Source : Töpfferiana.fr

 


Hellé, « Une indigestion sous-marine », Le Petit Journal illustré de la Jeunesse, n° 29, 30 avril 1905. Source : Töpfferiana.fr

 


Hellé, « Histoire de faire sauter les crêpes », Le Petit Journal illustré de la Jeunesse, n° 22, 12 mars 1905. Source : Töpfferiana.fr

 

Hellé, « La légende du Pierrot pendu », Le Petit Journal illustré de la Jeunesse, 29 août 1909. Source : Töpfferiana.fr

 

 


Hellé, « Le comble du progrès », Le Petit Journal illustré de la Jeunesse, n° 251, 1er août 1909. Source : Töpfferiana.fr

 

Dans la planche ci-dessous intitulée « Le comble du progrès », une machine réversible transforme des detritus en charcuterie et qu’elle peut retransformer en cochon… Ce thème récurrent se retrouve dans des histoires et les premiers films du XIXe et du XXe siècle, comme Patrick Peccatte en a récemment retracé la généalogie.

 


Hellé, « Le cinématographe en Afrique », Le Petit Journal illustré de la Jeunesse, n° 230, 7 mars 1909. Source : Töpfferiana.fr

 

Comme l’histoire précédente (« Le cinématographe en Afrique »), la suivante intitulée « Les drames du cinématographe » offre une variation graphique sur le thème du cinématographe. La première déployait son récit « filmé » sur une bande-pellicule qui se déroulait sur la page ; la seconde, dans un tout autre style graphique, propose un récit en ombres chinoises pour évoquer une séance de projection dans le noir.

Hellé, « Les drames du cinématographe », date et localisation inconnues. Source : Gallica.bnf.fr

 

Hellé publie également ses histoires dans des revues familiales ou pour adultes, comme Le Rire, Le Sourire, Le Bon vivant ou encore Le Journal amusant.  « Un coup de tête » paru dans Le Rire du 21 mai 1910 est une curieuse fable aux préoccupations des plus modernes : la planète terre en a assez d’être polluée par l’homme et ses diverses activités et « sur un coup de comète, elle se fait sauter la boule »…


Hellé, « Un coup de tête », Le Rire, 21 mai 1910. Source : Gallica.bnf.fr

 

« Les aventures d’un globe-trotter » parues dans Le Bon vivant en 1906 est une déclinaison en bande dessinée des monochromes pour rire d’Alphonse Allais  (2).


Hellé, « Les aventures d’un globe-trotter », Le Bon vivant, n° 206, 24 octobre 1906. Source : Hathitrust.org

 


Hellé, « Repopulation », Le Rire, 19 janvier 1907. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « Scrutin de ballotage », Le Sourire, 7 mai 1910. Source : Gallica.bnf.fr

 

Le cauchemar du boxeur provoqué par un dîner trop lourd rappelle les rêves agités dessinés par Winsor McCay, Dreams of the Rarebit Fiend (publiée à partir de 1904 dans l’Evening Telegram).


Hellé, « Rêve de boxe », Le Journal amusant, 11 octobre 1919. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « La consultation », Le Sourire, 11 juin 1910. Source : Gallica.bnf.fr

 

Dans la planche « Le téléphone c’est l’homme », le fil du téléphone qui relie les deux appareils se tord pour former les phrases du dialogue entre les corresponants…


Hellé, « Le téléphone c’est l’homme ou Le vorace cannibale », Le Sourire, mai 1914. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « Tango quand même », date et localisation inconnues. Source : Gallica.bnf.fr

 

Deux albums pour enfants

Hellé est également l’auteur de deux albums qui appartiennent au domaine de la bande dessinée. Le premier est intitulé Films pour les tout-petits fut publié en 1923 par Garnier frères. Il reprend tout ou partie des histoires publiées dans la revue pour enfants Les Petits Bonhommes, qui parut de 1922 à 1926  (3). Les vingt-neuf planches de cet ouvrage proposent chacune une courte bande dessinée sans légendes (quatre images en général), en couleurs. Cet album fut réédité en 1931 sous deux versions : la première est un tirage à l’identique mais avec la nouvelle date ; la secondes est composée de pages imprimées en 1923 remises en vente sous une nouvelle couverture (dite couverture de relais, ou « recouvrure ») et un nouveau titre : Images drôlatiques (Films)  (4).

 

 


Hellé, Films pour les tout-petits, Librairie Garnier frères, 1924. Source : Gallica.bnf.fr

 

Le second album est moins connu : Les facéties de Topsy, chien mécanique fut édité par Émile-Paul frères en 1931. Les dix-sept planches qui le compose, comme autant de chapitres, sont chacune un court récit en images (entre 3 et 10 images) à part entière. Cependant, elles forment une histoire à suivre au fur et à mesure des pages. Cette bande dessinée serait complètement muette, sans la légende qui figure en bas de chaque page. Celle-ci peut soit se réduire à un titre concis, soit former une phrase récapitulant l’historiette, ou soit compter plusieurs lignes qui décrivent l’action qui vient de se passer.

 

André Hellé, Les facéties de Topsy, chien mécanique, Émile-Paul frères, 1931. Source : Gallica.bnf.fr

 

Le récit de cet album, également destiné aux jeunes lecteurs, peut se résumer ainsi : un couple de parents, accompagné de leur chien Top, font leurs emplettes pour Noël. Dans un magasin de jouets, ils achètent un chien mécanique, nommé Topsy, qui ressemble à l’animal de la maison comme un frère. Offert aux enfants, le jouet devient le compagnon de jeu de Top qui comprend rapidement comment remonter l’automate avec sa clé pour lui donner vie. S’ensuit des gags et mésaventures provoqués par Topsy, dont Top ou le garçon de la famille se servent tour à tour pour berner les adultes. Mais cela se retourne contre le jouet qui fait un séjour à la fourrière et qui finit brisés sous les coups de pied d’un adulte. Le garçon l’apporte à un réparateur qui prend Top pour l’automate et transforme l’animal vivant en chien mécanique.

Les histoires en images muettes, nées avec Wilhelm Busch au milieu du XIXe siècle, n’ont jamais cessé de faire des émules, mais elles se réduisent le plus souvent à de courtes anecdotes de quelques images dessinées sur une seule page. Hellé innove en liant ces historiettes dans un récit plus large, et propose avec Les facéties de Topsy un album entier sans légendes, ou presque. Il dénote d’un regain d’intérêt en Europe et aux Etats-Unis pour la bande dessinée muette dont le roman sans paroles He Done Her Wrong (1930) composé de près de 300 pages dessinées par l’américain Milt Gross constitue alors un tour de force.

 

Les aventures du capitaine Spardeck

Dans les années trente, la bande dessinée se développe considérablement dans la presse quotidienne, notamment dans des pages destinées aux jeunes lecteurs  (5). Paris-Soir fait appel à Hellé pour une nouvelle rubrique hebdomadaire du Paris-Soir intitulée « Le coin des enfants ». Le dessinateur y signe « Les aventures du capitaine Spardeck », dont neuf épisode seront publiés entre le 7 avril et le 8 juin 1933. Le strip raconte comment le capitaine Spardeck, aidé de son jeune fils Marmouset, se préparent pour leur prochain voyage.

 


Hellé, « Les aventures du capitaine Spardeck », ép. I, Paris-Soir, 7 avril 1933. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « Les aventures du capitaine Spardeck », ép. II, Paris-Soir, 13 avril 1933. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « Les aventures du capitaine Spardeck », ép. III, Paris-Soir, 21 avril 1933. Source : Gallica.bnf.fr 

 


Hellé, « Les aventures du capitaine Spardeck », ép. IV, Paris-Soir, 28 avril 1933. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « Les aventures du capitaine Spardeck », ép. V, Paris-Soir, 5 mai 1933. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « Les aventures du capitaine Spardeck », ép. VI, Paris-Soir, 17 mai 1933. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « Les aventures du capitaine Spardeck », ép. VII, Paris-Soir, 24 mai 1933. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « Les aventures du capitaine Spardeck », ép. VIII, Paris-Soir, 1er juin 1933. Source : Gallica.bnf.fr

 


Hellé, « Les aventures du capitaine Spardeck », ép. IX, Paris-Soir, 8 juin 1933. Source : Gallica.bnf.fr

 

Le journal annonce la suspension temporaire de la série le 16 juin 1933, Hellé se consacrant alors à concevoir un concours pour les lecteurs du journal  (6). La rubrique pour enfants disparaitra peu après et la bande dessinée ne reviendra pas  (7).

 

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Un album de la collection Jaquet, consultable sur Gallica, est consacré à André Hellé. Il réunit de nombreux défets (illustrations et histoires en images) tirés de revues comme Le Sourire, Le Rire ou L’Assiette au beurre.

 

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  1. Jean-Hugues Malineau, « Le petit monde d’André Hellé », postface à la réédition de l’album d’Hellé, Images Drôlatiques par Michel Lagarde en 2012.[]
  2. Avant d’être réunis en album (Album Primo-Avrilesque, Ollendorff, 1897), ces monochromes existèrent et furent exposés pour certains lors des expositions des Arts incohérentes. Hellé partage ce goût de la blague fin-de-siècle : il exposa à l’exposition de 1893, sous son vrai nom d’André Laclôtre. Voir à ce sujet : Corinne Taunay, « André Laclôtre / Hellé “croit qu’il doit être incohérent” » sur le site des Amis d’André Hellé, 2009.[]
  3. Jean Hugues Malineau, « Introduction aux Images drôlatiques d’André Hellé », introduction à la réédition de l’album d’Hellé, Images Drôlatiques par Michel Lagarde en 2012.[]
  4. C’est cette couverture qui fut choisies pour la réédition de 2012. Merci à Jacques Desse et aux Amis d’André Hellé pour ces précisions.[]
  5. À ce sujet, voir notre article « 1937 : La famille Fenouillard ressuscitée ! ».[]
  6. « De Spardeck à Spardeck en passant par Croc-Poule », Paris-Soir, 16 juin 1933, p.6.[]
  7. Une rubrique destinée aux jeunes lecteurs reviendra quelques années plus tard dans le journal : Paris-Soir propose dans son supplément Paris-Soir Dimanche une page « Pour les enfants » dès sa création en décembre 1935. Elle accueillera des bandes dessinées, dont les nouvelles aventures des Fenouillard, mais aussi des textes illustrés, comme « Clindindin et Chonchon » de Paul Géraldy illustré par Hellé en août 1937.[]
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2 Comments

  1. says: Patrick Lemaire

    Nous recelons des trésors qui valent bien ceux que Peter Maresca outre-Atlantique exhume régulièrement. J’espère qu’une édition patrimoniale pourra voir le jour comme nous en avions eu pour G. Ri.

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