Arroseurs arrosés (bis)

 

O’Galop, série de 4 plaques, vers 1900 (?). Chromolithographie sur verre.
Source : Lanternes magiques. Le monde fantastique des images lumineuses, Musée d’Unterlinden, Colmar, 2009.

 

A la suite de notre précédent article, nous proposons une nouvelle fournée de versions et de variantes de l’arroseur arrosé.

Marcel Roussillon, plus connu sous son pseudonyme O’Galop, a donné quelques histoires en images au tournant du XXe siècle. Mais c’est sur des plaques de verres de lanterne magique que l’on connaît aujourd’hui sa version de l’arroseur arrosé  (1). On remarquera qu’elle rappelle la planche de Christophe dans Le Petit Français Illustré de 1889 de par son fond arboré et par l’attitude de l’enfant qui observe.

Le format allongé de ce support se prête particulièrement à ce gag. Le tuyau et le jet peuvent se déployer de toute leur longueur. Dans les précédentes versions que nous avons examinées, les cases n’étaient pas aussi larges. Les dessinateurs jouaient alors sur la perspective, plaçant leurs acteurs sur différents plans

Les deux planches qui suivent, plus récentes, furent publiées dans des journaux pour enfants  (2). Leurs auteurs, Ymer et Pierre Falké, reprennent tous deux le dispositif de larges cases, peut-être inspirées des plaques de lanterne magique, placées les unes sous les autres dans la page.


Ymer, « Le trempeur trempé », La semaine de Suzette, 28 septembre 1905. Source : Bnf.Gallica.fr



Ci-dessus, l’histoire d’Ymer inverse les rôles : le jeune garçon est l’arroseur, le jardinier, le farceur. La planche suivante signée par Pierre Falké rappelle les lois de la physique et plus particulièrement celle de la résistance des matériaux…


Pierre Falké, « Un bon tour », L’Américain Illustré, n° 14, 28 septembre 1907. Source : Collections numérisées de la Cibdi.



Ces histoires mettent en scène des enfants et s’adressent à eux, la morale doit être sauve. Comme dans la planche d’Epinal vue précédemment et contemporaine de ces deux histoires, les jeunes plaisantins subissent le retour de bâton de leur farce, sous le regard hilare de l’arroseur, à qui désormais on ne la fait plus.

La dernière planche, ci-dessous, nous permet de revenir à notre point de départ, soit la première version de l’arroseur parue dans Le Chat Noir en 1885. En effet, elles sont toutes deux l’oeuvre du même dessinateur, Uzès, qui signe ici sous son vrai nom, Achille Lemot.

 

Achille Lemot, « Une faute de Gugusse », Album Noël, 1900, p. 34. Source : Andy’s Early Comics Archive



Quinze ans après sa première mouture  (3), Lemot reprend son scénario original : les postures de l’arroseur et de l’enfant sont quasiment les mêmes, seule la fin est légèrement différente. La composition de la page de 1900 est beaucoup plus sage : les scènes encadrées et numérotées s’imbriquent de manière orthogonale, les légendes placées en bas, après les dessins, les unes à la suite des autres. Cependant, Lemot conserve la recette qui l’a démarqué des versions qui suivirent : l’alternance de point de vue, futur élément essentiel de la grammaire cinématographique. L’enchaînement efficace des trois premières cases fait que le gag de l’arroseur arrosé n’a jamais était aussi dynamique que sous le crayon de ce dessinateur.

 

Mise à jour (6 juin 2012) :

André Rigal, Pierrot, n° 16, 11 avril 1926. Source : Collections numérisées de la Cibdi.



Enième variation du gag de l’arroseur arrosé dénichée dans Pierrot, hebdomadaire pour jeunes garçons édité par les éditions de Montsouris entre 1925 et 1942. Cette page, parue le 11 avril 1926, est une œuvre de jeunesse d’André Rigal (1898-1973). Ce dessinateur, qui mena également une carrière dans le dessin animé, est principalement connu pour son héros, le Cap’tain Sabord, dont les aventures débutèrent en bande dessinée dans le même Pierrot dès 1928. Dans les années quarante, la série apparaîtra dans les revues de la maison belge Gordinne, Wrill et Cap’tain Sabord, et connut plusieurs adaptations en dessin animé.

A noter également : Dans le dernier numéro de Papiers Nickelés (n° 32, 1er trimestre 2012), Yves Frémion fait le point sur les variantes du gag dans son article « L’Arroseur arrosé et ses inventeurs »..

  1. O’Galop a dessiné une série de plaques de lanterne magique que l’on peut voir sur le site de la Cinémathèque de Toulouse : http://www.lacinemathequedetoulouse.com/parcoursdecouverte/index#[]
  2. Merci à Pierre Chemartin de nous avoir signalé ces deux planches.[]
  3. Il est possible que cette planche de 1900 ait été publiée auparavant, dans Le Noël, titre créé par la Maison de la Bonne presse, auquel Lemot collabora de 1896 à 1899 (selon le Dico Solo).[]
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2 Comments

  1. says: Gilles Joël

    Mille mercis pour toutes ces recherches.
    Enseignant chercheur à l’Université je conseille vivement la consultation de votre site à mes étudiants toujours étonnés d’apprendre le riche passé de la “BD”.
    Grâce à vous ces images reprennent vie pour notre plus grand plaisir.
    J. G.

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